Quels sont les mécanismes actuels d’approvisionnement des usines de transformation ?
Il faut dire que chaque usine de transformation a sa politique d’approvisionnement en matière première (noix brute de cajou). De manière globale nous avons trois types de mécanismes. D’abord, il y a des usines qui ont des collecteurs avec qui ils collaborent directement et qui font des achats pour elles dans les villages contre des commissions. Ensuite, il y a celles qui ont des partenariats avec des Organisations Professionnelles Agricoles (OPA) telles que les nôtres qui produisent le cajou et qui les approvisionnent. Ces OPA sont les UCCPA, les URCPA et la faîtière nationale qu’est la FENAPAB. C’est cette approche qui est avantageuse pour les producteurs d’anacarde et leurs organisations. Enfin, il y a des usines qui se font directement livrer sur leurs sites par des commerçants indépendants qui achètent les noix de cajou sur le terrain.
S’agissant du partenariat entre les transformateurs et les OPA que vous évoquiez, dites-nous-en quoi cette approche est avantageuse pour ces OPA.
Le partenariat avec les usines de transformation permet aux OPA d’avoir un marché d’écoulement sûr pour leurs produits (les noix de cajou) et de limiter les situations de mévente en cas de crise comme nous l’avons connu ces dernières années et beaucoup plus encore cette année avec le Covid-19. Lorsque les OPA sont en partenariat avec une usine, les approvisionnements sont réguliers, la qualité est au rendez-vous et il y a un climat de confiance qui s’installe. On ne se voit que pour rediscuter les termes du contrat, notamment les prix en fonction des tendances du marché et autres.
De façon globale, quelles sont, selon vous les difficultés liées à l’approvisionnement des usines en noix ?
Avant de répondre, je dois préciser que nous avons, d’une part, des difficultés que rencontrent les usines et liées à leur approvisionnement par les commerçants/collecteurs et les producteurs non membres, et d’autre part, les difficultés liées à l’approvisionnement des usines par les OPA que nous sommes. Dans le premier cas, lorsque la demande est forte et la concurrence intense, les usines ont de la peine à s’approvisionner parce que les prix grimpent et elles n’arrivent plus à suivre facilement le rythme du marché. Ce fut le cas en 2016 et 2017 où les prix étaient montés jusqu’à 800 FCFA / kg et avaient affaibli leurs capacités d’approvisionnement. A cette difficulté liée à la volatilité des prix s’ajoutent les contraintes de qualité des noix de cajou qui s’imposent à ces usines et dont les commerçants et les collecteurs se soucient peu, parce qu’en amont, ils achètent des noix de cajou tout venant sans faire le test de qualité. Une pratique qui contribue fortement à la baisse de la qualité des noix de cajou du Bénin parce que les producteurs ne s’efforcent plus de respecter les bonnes pratiques de récolte et post récolte. •S’agissant de la difficulté liée à l’approvisionnement des usines par les OPA, elle est relative à la concurrence déloyale que les collecteurs leur livrent (les OPA) et qui les met dans une position indélicate. Je m’explique : je vous ai parlé plus haut des collecteurs avec qui les usines sont en relation d’affaires dans les villages. Il arrive souvent que ces collecteurs résident dans les villages où existent des coopératives de producteurs d’anacarde qui sont des OPA affiliées au réseau de la FENAPAB. Pour affaiblir ces coopératives, ces collecteurs font de légères augmentations sur le prix du jour de la noix afin de détourner les producteurs et de déstabiliser le dispositif de vente groupée. Or vous savez, ce que les usines versent aux collecteurs comme commissions, c’est souvent la même valeur qu’elles paient aussi aux OPA sous l’appellation frais de gestion lorsqu’elles sont en lien d’affaires. Pour avoir plus de noix que l’OPA, les collecteurs renoncent simplement à une partie de leurs commissions qu’ils répercutent sur le prix d’achat au producteur et le rapport de force tourne en leur faveur. L’OPA n’a pas cette possibilité parce que les frais de gestion que l’usine lui verse ont une clé de répartition bien définie, et jouer au même jeu que les collecteurs mettra à mal tout le dispositif mis en place.
Quelles approches de solutions préconisez-vous pour venir à bout de ces difficultés ?
Les solutions varient d’un acteur à un autre. Mais, d’une manière générale, deux solutions permettront à chaque acteur (le producteur, le commerçant, le transformateur et l’exportateur) de sortir gagnant. D’abord, il faut une règlementation de la commercialisation qui favorise aussi bien les transformateurs nationaux que les producteurs et leurs organisations (coopératives, faîtières). Il faut par exemple créer des marchés autogérés dans les sociétés coopératives et contraindre par la règlementation tous les acheteurs à passer par les coopératives pour leurs achats. A ce propos, il faut dire qu’un travail a été déjà fait dans ce sens avec la structuration des différents acteurs (FENAPAB, CNTC, FENAPAT et CoNEC) et la création de l’IFA depuis 2016. Ensuite, c’est de promouvoir des partenariats durables entre les OPA et les usines en utilisant l’approche cluster. A l’URCPA Atacora Donga, nous croyons fermement à cette approche que nous développons déjà depuis quelques années avec des usines telles que FLUDOR, NASSARA BENIN, AFOKANTAN et TOLARO GLOBAL. Avec cette approche, on aura réglé le problème d’approvisionnement des usines, et en même temps, le problème de financement de la filière. Les producteurs, les transformateurs et les acheteurs auront un accès facile aux crédits tandis que les OPA auront réglé leurs difficultés d’autonomie financière.
Votre mot de fin
La filière anacarde est une filière pourvoyeuse d’emplois et créatrice de richesse sur laquelle il faut que l’Etat centrale mène des politiques pour son émergence. Il faut entendre par là, la règlementation de la commercialisation, la consolidation des liens d’affaires entre les acteurs, la promotion de la transformation, aussi bien des noix brutes que des pommes. Je vous remercie